4ème journée du club des ambassadeurs de la médiation francophone en santé (CAMFS).

Un groupe engagé dans la médiation hospitalière

Le  31 janvier 2025. Quelques impressions par Denis Mechali.  

Le club des ambassadeurs de la médiation francophone en santé (CAMFS) regroupe des médiateurs "hauts gradés" au sein de l’administration de la santé. Créé à la suite du suicide d’un médecin de l’hôpital Georges-Pompidou, il y a cinq ans, il a, sous la houlette d’Edouard Couty, mis en place un "outil médiation" structuré, doté de moyens importants, et donc centré sur le traitement par médiation des conflits entre professionnels. Chaque année, le groupe se réunit pour échanger sur son bilan.

Lors des deux premières éditions, j’avais pu présenter la médiation après plainte des patients à l’hôpital de Saint Denis. Il s’agissait d’un sujet complémentaire, mais différent de l’objectif du CAMFS, centré sur les médiations liées à des conflits entre professionnels. Ma présentation un peu analytique et critique m’avait néanmoins permis de citer l’ancien ministre de la santé, Claude Evin, actuellement avocat très engagé pour une réforme des modalités de la médiation pour les patients, répondant davantage aux canons classiques d’une médiation équilibrée.

La quatrième réunion du CAMFS, en janvier 2025, portait sur "le silence en médiation". J’y participais, comme simple écoutant cette année. Le thème, manifestement, avait laissé perplexe certains intervenants. J’ai malgré tout pu retenir plusieurs éléments intéressants livrés en toute subjectivité.

Le silence en médiation : un sujet complexe et controversé

Il y a silence et silence. L’un des intervenants s’est lancé dans une apologie du silence entre le médiateur et les médiés. D’autres ont cherché à définir les différentes sortes de silence, qu’il est important de distinguer et d’identifier: silence de retrait, silence de honte, silence agressif… Au médiateur d’interpréter le sens de ces silences, grâce au contexte, ou en étant attentif aux éléments non verbaux communiqués par les médiés, et d’apprendre à gérer ces situations - dans lesquelles "un ange passe" - en ayant recours à des techniques éprouvées – notamment de respiration. Il a été rappelé que le médiateur devait s’abstenir de "prendre la place du médié", accepter le silence, et laisser "élaborer" le médié, un peu comme chez le psychanalyste. Lors de son exposé, un philosophe a parlé "d’ataraxie", soit cette "tranquillité de l’âme, qui peut lier le médiateur et le médié, au travers du silence. Ce qui n’interdit pas au médiateur de proposer, sans imposer, une "relance", lorsque le silence du médié apparaît trop lourd à combler.

Le silence institutionnel dans les conflits hospitaliers

Les interventions les plus intéressantes ont porté sur le "silence des autorités". Faisant écho à des interventions de la salle, plusieurs "ambassadeurs" ont souligné que, parfois, des conflits patents restaient sans réponse – cette non-réponse, ou non-intervention, constituant le "mode de traitement" utilisé par les responsables. Ce silence contribue au découragement des personnes concernées, avec des conséquences parfois dramatiques: départ de certains, dépressions, impossibilité de pourvoir des postes compte tenu du cercle vicieux qui se crée à partir de l’ambiance connue qui décourage les candidats éventuels… Face à cela, une responsable de l’agence régionale de santé a indiqué, que, "sans être médiatrice et sans proposer de médiation", elle interpellait, et que parfois cela suffisait à faire bouger les lignes … Elle a donné l’exemple d’un conflit dans un hôpital privé de directeur titulaire, le directeur provisoire en fonction ne faisant rien ou ne pouvant rien faire, les autorités de tutelle étant au courant du problème mais n’intervenant pas non plus, depuis plus d’une année. En favorisant la simple rencontre des uns et des autres, cette responsable, positionnée comme tiers, a pu, pour un certain nombre de situations, dénouer les nœuds: "Les personnes se sont reparlé… ». Un participant a fait remarquer que, parfois, la non-résolution, et le silence, s’expliquaient par des contraintes que les responsables ne pouvaient pas surmonter, par exemple l’impossibilité de trouver des candidats pour des postes pourtant financés. Mais il a ajouté que, dans ce cas, "avoir le courage de reconnaitre de façon explicite et transparente ce qui fait difficulté était déjà quelque chose, nettement supérieur au silence".

Une ouverture vers la médiation francophone

Il a été signalé, à la fin de cette journée, que les quatre premières rencontres du CAMFS n’ont pas fait appel à des contributions francophones, par exemple belges, ou Suisses, ou Québécoises, alors qu’il y existe nombre d’expériences riches et instructives. La cinquième rencontre, en 2026, devrait combler cette lacune.

"Etes-vous surs que la vie est orthodoxe?"

Je livre cette anecdote à méditer, glanée la veille de cette rencontre: Un psychiatre a raconté qu’il avait, lors d’un colloque, hésité à intervenir, en se rappelant les leçons apprises au début de sa carrière, au motif que, compte tenu du devoir de réserve auquel il était tenu du fait de son statut, "Cela ne serait pas orthodoxe". Une infirmière présente lui avait alors rétorqué: "Etes-vous sûr que la vie est orthodoxe"? Cela avait tellement frappé ce psychiatre - et tellement plu - que l’infirmière en question était devenue sa femme quelque temps plus tard!

Et je finis avec la citation d’un proverbe arabe, proposée à la fin de son exposé par un des intervenants de cette journée CAMFS:

"Si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence, alors tais toi".

Denis MECHALI, médecin, adhérent de MDPA.
Je remercie Philippe Biju-Duval et Mariliz Codina pour leur contribution efficace, via la relecture de ce texte.

 

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