Un Conseil national de la médiation : pour quoi faire ?
La médiation a "pris son essor au sein de la société civile à la fin des années 80" [Préambule du Livre blanc de la médiation]. Elle se veut une réponse à l'incapacité de l'Etat, et en particulier de l'institution judiciaire, à faire face aux multiples blocages, crispations et conflits qui traversent la société française.
Cet essor de la médiation a touché tous les domaines, et les offres de formation à la médiation se sont multipliées.
Fallait-il laisser la médiation poursuivre son développement de manière totalement libre, en "faisant confiance au marché", qui serait capable de faire émerger des médiateurs compétents, évalués au vu de leurs résultats ? Certains défendent toujours cette option.
Mais, alors que la médiation n'est pas - et ne veut pas devenir - une profession réglementée, à l'instar des psychologues par exemple, plusieurs associations de médiateurs, préoccupées par le caractère anarchique du développement de la médiation, ont retenu une autre option. Après s'être regroupées au sein d'un collectif - Médiation 21 - elles ont élaboré plusieurs propositions, regroupées dans le Livre blanc de la médiation (remis au Garde des Sceaux en septembre 2019), visant toutes à inscrire la médiation dans le cadre institutionnel et juridique de la République. Parmi ces propositions, figurait celle de créer un Conseil national de la médiation.
De son côté, le Gouvernement, désireux de réformer le système judiciaire, a soumis au Parlement un projet de loi intitulé "pour la confiance dans l'institution judiciaire", initialement muet sur ce point. C'est par un amendement du Garde des Sceaux que le projet de création d'un Conseil national de la médiation a finalement pris forme, aujourd'hui inscrit à l'article 45 de la loi n° 2021-1929 du 22 décembre 2021.
Ni autorité administrative indépendante, ni structure interminstérielle, le Conseil national de la médiation aura pour rôle de "(...) rendre des avis dans le domaine de la médiation (...), proposer aux pouvoirs publics toutes mesures propres à l'améliorer, proposer un recueil de déontologie applicable à la pratique de la médiation, proposer des référentiels nationaux de formation des médiateurs et faire toute recommandation sur la formation, et émettre des propositions sur les conditions d'inscription des médiateurs sur [les listes de médiateurs des Cours d'Appel]".
L'association MDPA, dans sa "contribution aux travaux parlementaires", adoptée après la lecture par le Sénat et avant celle de l'Assemblée nationale, avait émis deux remarques : d'une part, la résolution des litiges n'est qu'une des quatre fonctions que s'assigne la médiation, les trois autres étant la création et le rétablissement de liens (en dehors de tout litige) et la prévention des conflits ; d'autre part, précisément pour éviter tout brouillage de la médiation dans l'esprit du public, il serait souhaitable que cette nouvelle instance soit rattachée, non pas au ministre de la justice (en charge du traitement des litiges), mais soit au Premier ministre, pour lui conférer un caractère interministériel, soit, mieux encore, au Conseil économique, social et environnemental, de manière à éviter tout soupçon d'une "tutelle étatique" sur la médiation.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié le choix fait par le Sénat et le Conseil national de la médiation a été "placé auprès du ministre de la justice".
Un décret a, le 25 octobre 2022, précisé la composition et les modalités de fonctionnement du Conseil national de la médiation (décret n° 2022-1353). Les membres du Conseil ont été nommés par un arrêté du 25 mai 2023. Michèle Guillaume-Hofnung, présidente d'Honneur de notre association, y a sa place au sein du collège des personnalités qualifiées, en tant qu'universitaire. Le 12 juin 2023, le Garde des Sceaux a installé le Conseil national de la médiation, qui est désormais pleinement opérationnel.